Alors que plusieurs coups de feu retentissent, le MDC Lacroix profite d'un moment d'inattention de ses geôliers pour se précipiter vers la radio, donnant l'alerte. Rapidement encerclés, la plupart des gendarmes n'opposent pas de résistance dans la mesure où aucun d'eux n'est armé comme l'imposait le règlement. Ils sont contraints de se coucher au sol. Réfugiés dans l'armurerie, les derniers gendarmes restants acceptent la reddition après que les preneurs d'otages aient menacé d'exécuter leurs camarades. À cet instant, l'Adjudant-Chef Georges Moulié se relève et exige le départ immédiat des agresseurs. Le Gendarme Daniel Leroy, les mains en l'air et à genoux, tente quant à lui de raisonner les hommes les plus menaçants, plaidant pour éviter de nouvelles victimes. Alors que la situation est pleinement maîtrisée par les assaillants, un individu cagoulé s'approche et tire à bout portant sur les deux sous-officiers qui ont osé prendre la parole. Le Gendarme Leroy est mortellement atteint d'une décharge de chevrotine dans le thorax tandis que l'Adjudant-Chef Moulié est très gravement atteint à l'arrière de la tête. 27 gendarmes sont menottés par le commando qui récupère les armes de l'armurerie et une partie du matériel militaire.
Un convoi, scindé en deux groupes, quitte la brigade peu après. L'un, constitué de 11 otages, prend la direction du sud de l'île. L'autre, constitué de 15 otages, prend la direction du nord de l'île. Les autorités en sont rapidement informées. De nombreux gendarmes sont envoyés sur l'île d'Ouvéa. Sur le lieu de l'attaque, on trouve le Lieutenant Florentin, dont l'état est très grave, l'Adjudant-Chef Moulié, qui a déjà sombré dans un profond coma, ainsi que les corps sans vie des Gendarmes Dujardin, Zawadzki et Leroy. Héliporté vers un hôpital de Sydney (Australie), l'Adjudant-Chef Moulié succombera à sa blessure dans la journée du 24 avril 1988 tandis que le Lieutenant Florentin survivra.
Désemparés, les renforts cherchent à savoir où sont retenus les otages. La population est muette. Deux détachements sont rapidement formés, l'un va au sud l'autre au nord. La progression vers le nord s'avère très difficile : les routes sont barrées par des troncs de cocotiers volontairement abattus. Une partie de la population affiche ouvertement son hostilité et les forces de l'ordre essuient même des coups de feu. Vers le sud, les choses vont en revanche prendre une tournure bien différente. Si la population de Mouli refuse de coopérer et de fournir le moindre renseignement, elle est cependant inquiète, dépassée par l’ampleur des événements. Les preneurs d'otages menés par Chanel Kapoeri sont beaucoup moins déterminés que ceux du nord. Le 25 avril 1988 en début de matinée, les 11 otages du sud, qui avaient été entraînés dans un abri caverneux cerné par la forêt, sont relâchés après des négociations avec les chefs de tribus. À l’autre extrémité de l’île, les preneurs d’otages menés par le militant Alphonse Dianou sont malheureusement dans un tout autre état d’esprit.
Le lieu où les otages du nord sont retenus est toujours inconnu lorsque le GIGN et l'EPIGN débarquent sur l'île d'Ouvéa. Le 25 avril toujours, face à la situation incertaine au nord, la décision est prise par le gouvernement de retirer à la Gendarmerie la conduite des opérations et de la confier à l’Armée de Terre. Le Général de Brigade Jacques Vidal s'en voit confié la responsabilité. Plusieurs centaines de militaires sont envoyés sur l'île fin avril 1988. Les militaires tentent d'obtenir des renseignements auprès de la population durant plusieurs jours, sans succès. Le lieu où sont retenus les otages du nord est finalement trouvé dans l'après-midi du 26 avril 1988 par le Lieutenant Destremau (Armée de Terre), accompagné d'un habitant kanak et de deux gendarmes du GIGN. Les deux gendarmes et l'habitant iront rejoindre les otages sous la menace des armes. Un gendarme gravement malade est relâché par les preneurs d'otages et, peu de temps après, le jeune local ayant guidé le Lieutenant Destremau est également relâché.
Tentant de négocier avec les individus, le Substitut du Procureur à Nouméa Jean Bianconi, le Capitaine Legorjus, 5 sous-officiers du GIGN et le Gendarme Ihage (qui avait été relâché le 25 avril par le groupe du sud) sont également contraints, sous la menace des armes, de rejoindre les otages au fond de la grotte. Le Capitaine Legorjus ment à Alphonse Dianou en affirmant qu'il n'y a que 6 gendarmes avec lui. En réalité, ils étaient plus nombreux (le MDC Lacroix, qui était retenu au sud, était lui aussi présent). Le Capitaine Legorjus sera libéré le lendemain matin tandis que le Substitut Bianconi peut quant à lui quitter la grotte sous l'autorisation d'Alphonse Dianou (avec la menace d'abattre un otage au moindre problème). Après plusieurs allers-retours sur quelques jours, le magistrat parvient à introduire deux revolvers pour les donner à deux otages du GIGN.
La tentative de négociation laisse place peu à peu à la perspective d'une intervention. Les otages font régulièrement l'objet de menaces et reçoivent des coups de la part de certains indépendantistes. Alors que l'élection présidentielle approche, l'autorisation d'une intervention est donnée le 03 mai 1988 en fin de soirée. Le 05 mai 1988 au matin, le GIGN, l'EPIGN, le Commando Hubert (Marine Nationale) et le 11ème Régiment Parachutiste de Choc (Armée de Terre) lancent un assaut sur la grotte. L'utilisation d'un lance-flammes et de grenades lacrymogènes permet de prendre l'avantage. Les deux gendarmes du GIGN, à qui le Substitut Bianconi avait donné des revolvers, tirent à plusieurs reprises pour éloigner quelques uns des indépendantistes qui, semble-t-il, voulaient exécuter des otages au fond de la grotte. Un peu plus haut dans la grotte, d'autres otages sont utilisés comme boucliers humains. Durant le combat, l'Adjudant Régis Pedrazza (32 ans) et le Soldat Jean-Yves Veron (19 ans), tous deux militaires du 11ème de Choc, sont mortellement atteints par balles. Le Lieutenant Laurent Thimothée et le Gendarme Jean-Marie Grivel du GIGN, ainsi que deux autres militaires de l'Armée de Terre sont quant à eux grièvement blessés. Après 6 heures de combat en deux parties, les otages sont finalement libérés sains et saufs. 19 ravisseurs (sur 33), dont Alphonse Dianou et Wenceslas Lavelloi, meurtriers présumés des gendarmes, ont été tués. Le syndrome de Stockholm se manifeste chez plusieurs otages, retenus durant 2 semaines.
Dans les jours suivants, l'Armée et la Gendarmerie sont accusées d'exécutions sommaires et de non-assistance aux blessés sur 5 indépendantistes décédés (compris dans les 19 tués). Certains faits semblent avérés mais toutes les personnes impliquées (ravisseurs et militaires) seront amnistiées suite à des lois promulguées en 1988 et 1990, aucune d'entre elles ne fera ainsi l'objet de poursuites judiciaires.
Sans lien direct avec les événements d'Ouvéa, 7 gendarmes sont blessés, dont certains très gravement, dans des embuscades en Nouvelle-Calédonie entre le 22 avril et le 1er mai 1988.
Né le 17 juillet 1934 à Indre (44), l'Adjudant-Chef Georges Moulié affichait 3 ans de services dans l'Armée de Terre (11ème RCC) et 22 ans de services dans la Gendarmerie. Affecté à l'Escadron de Gendarmerie Mobile 7/22 d'Antibes (06) depuis août 1978, il était détaché à la Brigade Territoriale de Fayaoué. Déjà décoré de la Médaille Militaire, il reçoit la Croix de Chevalier de la Légion d'Honneur et la Médaille de la Gendarmerie (avec grenade de bronze) à titre posthume. À titre exceptionnel, il est nommé au grade de Capitaine. Marié, père de trois enfants dont un était gendarme au GIGN en 1988 (écarté des opérations d'Ouvéa), il avait 53 ans.
La 259ème promotion de sous-officiers de Gendarmerie de l'école de Châtellerault (1991) porte le nom du CNE Moulié.
Né le 13 août 1948 à Lomme (59), le Gendarme Daniel Leroy était affecté à l'Escadron de Gendarmerie Mobile 2/5 de Villeneuve-d'Ascq (59) et détaché à la BT de Fayaoué. À titre posthume, il reçoit la Médaille Militaire et la Médaille de la Gendarmerie (avec grenade de bronze). À titre exceptionnel, il est nommé au grade de Maréchal des Logis-Chef. Célibataire et sans enfant, il avait 39 ans.
Né le 19 février 1952 à Roubaix (59), le Gendarme Jean Zawadzki était affecté à l'EGM 2/5 de Villeneuve-d'Ascq et détaché à la BT de Fayaoué. À titre posthume, il reçoit la Médaille Militaire et la Médaille de la Gendarmerie (avec grenade de bronze). À titre exceptionnel, il est nommé au grade de Maréchal des Logis-Chef. Marié et père de deux enfants, il avait 36 ans.
Né le 25 février 1956 à Chartres (28), le Gendarme Edmond Dujardin était sorti de l'ESOG de Montluçon (12ème promotion) et était affecté à la BT de Fayaoué. À titre posthume, il reçoit la Médaille Militaire et la Médaille de la Gendarmerie (avec grenade de bronze). Marié et père d'un enfant, il avait 32 ans.
La 223ème promotion de sous-officiers de Gendarmerie de l'école de Montluçon (2000) porte le nom du GND Dujardin. La caserne de la BT de Nogent-le-Rotrou (28) porte également son nom.
La 223ème promotion de sous-officiers de Gendarmerie de l'école de Montluçon (2000) porte le nom du GND Dujardin. La caserne de la BT de Nogent-le-Rotrou (28) porte également son nom.
Stèle commémorative apposée à la BT de Fayaoué (Nouvelle-Calédonie). |
Sources :
-https://www.senat.fr/rap/1988-1989/i1988_1989_0091_05.pdf
-https://la1ere.francetvinfo.fr/pourquoi-prise-otages-gendarmes-22-avril-1988-ouvea-grand-format-572167.html
-https://la1ere.francetvinfo.fr/obseques-polemique-apres-assaut-grotte-ouvea-585309.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/04/23/trois-gendarmes-ont-ete-tues-par-des-independantistes-canaques_4103398_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/04/24/le-gouvernement-envoie-des-renforts-en-nouvelle-caledonie_4104028_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/05/22/de-nouveaux-temoignages-sur-la-mort-de-trois-canaques_4096208_1819218.html
-https://www.valeursactuelles.com/histoire/le-grand-temoin-douvea-30395
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/04/28/la-gendarmerie-raconte-l-attaque-de-la-brigade-de-fayaoue-une-veritable-action-de-commando_4095369_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/04/29/selon-le-representant-du-flnks-a-paris-ce-ne-sont-pas-des-otages-ce-sont-des-prisonniers-politiques_4095999_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/04/28/deuxieme-prise-d-otages-en-nouvelle-caledonie-cinq-autres-gendarmes-et-un-magistrat-captures-a-leur-tour-a-ouvea_4094771_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/04/29/vingt-trois-otages-dont-six-gendarmes-du-gign_4096005_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/05/03/situation-bloquee-en-nouvelle-caledonie-le-flnks-se-declare-pret-a-maintenir-le-statu-quo-jusqu-au-resultat-de-l-election-presidentielle_4097365_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/05/06/la-derive-desesperee-d-alphonse-dianou_4098828_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/05/07/une-visite-organisee-dans-la-grotte-des-guerriers_4099393_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/05/11/l-attaque-de-la-gendarmerie-de-fayaoue_4101469_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/06/05/les-quatre-gendarmes-tues-a-fayaoue-n-ont-pas-ete-massacres-a-l-arme-blanche-etablissent-les-rapports-d-autopsie_4102330_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/11/19/le-grand-pardon_4118763_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/04/26/encore-un-mort-et-huit-blesses-en-nouvelle-caledonie-les-resultats-des-elections-regionales-sont-hypotheques-par-la-multiplication-des-violences-et-le-taux-d-abstention_4104758_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2018/05/04/en-nouvelle-caledonie-le-long-chemin-du-pardon_5294253_823448.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/05/06/plusieurs-heures-de-violents-combats_4098811_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/05/06/l-assaut_4098802_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1988/05/21/l-enquete-judiciaire-commence-sur-la-pointe-des-pieds_4095602_1819218.html
-https://www.nicematin.com/course-pedestre/70-gendarmes-ont-couru-pour-rendre-hommage-au-major-georges-moulie-decede-en-service-en-1988-269732
- Journal Sud-Ouest, en date du 23 avril 1988
- Entretien en 2018 avec le Major Jean-Paul Lacroix, commandant la BT de Fayaoué en 1988
- Livre d'or de la Gendarmerie année 1988
- Entretien en 2018 avec le Major Jean-Paul Lacroix, commandant la BT de Fayaoué en 1988
- Livre d'or de la Gendarmerie année 1988
Jean Zawadzki conducteur du car du 3ème peloton, Daniel Leroy du 3ème peloton, escadron 2/5 de VILLENEUVE D'ASCQ, peloton que j'ai quitté quelques mois auparavant pour une autre affectation. Une très grosse pensée à mes copains.
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