Arrivée au cul-de-sac menant à l'entrepôt en question, la patrouille de la brigade locale surgit feux éteints et moteur coupé en roues libres. Les deux jeunes gendarmes étant déjà intervenus à cet endroit où sont stockés des pots de peinture ainsi que du matériel d'enseignes, ils savent qu'il n'y a rien à voler et ils pensent qu'il s'agit probablement d'adolescents squatteurs, comme plusieurs furent déjà surpris par le passé. Tandis que l'équipage de la BR de Bonneville, à bord d'une voiture banalisée, s'arrête une centaine de mètres avant pour procéder au contrôle d'un véhicule qui quittait la zone industrielle, les Gendarmes Bernard Bouvier et Daniel Lyan (25 ans) descendent de leur 4L sérigraphiée en rallumant les pleins phares dirigés vers le bâtiment. Ils constatent une effraction sur la porte d'entrée et se séparent tout en restant à vue pour inspecter les deux côtés du local dont l'éclairage est limité. Tout se passe très vite. Le Gendarme Bouvier tombe nez à nez avec deux individus cagoulés sortant de la pénombre, équipés de fusils à pompe chargés à la chevrotine. L'un de ces derniers ouvre aussitôt le feu à environ 1 mètre de distance, tuant sur le coup le sous-officier en l'atteignant à la tête. Le Gendarme Lyan dégaine et chambre immédiatement son pistolet MAC 50 pour répliquer mais il n'y parvient pas, la sûreté de son arme s'étant enclenchée. Les deux malfaiteurs font feu dans sa direction. Alors qu'il se met en protection derrière la 4L et qu'il parvient finalement à engager la riposte, le Gendarme Lyan est gravement blessé dans la fusillade, atteint au bras gauche et à l'épaule gauche par deux plombs de chevrotine. Les criminels veulent achever le militaire mais ils sont mis en fuite in extremis par le Maréchal des Logis-Chef François Detraz (35 ans) et le Gendarme Bernard Paradis (36 ans), de la BR de Bonneville, qui arrivent sur les lieux au bruit des coups de feu et prennent en charge leur camarade blessé. Évacué vers un hôpital à Bonneville, le Gendarme Lyan survivra.
Laissant sur place une Renault 15 dont le propriétaire sera identifié comme étant le père de l'un d'entre eux, les tireurs atteignent vers 01h10 le parking d'un hôtel situé sur la commune d'Amancy (74) où ils tentent sans succès de dérober une BMW appartenant à des touristes australiens. Poursuivis par le gérant de l'hôtel ainsi qu'un employé, ils ouvrent le feu dans leur direction sans les atteindre avant de se séparer. L'identité des auteurs est rapidement découverte. Il s'agit d'Henri Gruffat (21 ans) et de Jean-Marc Bieser (18 ans). Une intense traque commence, mobilisant la quasi-totalité des unités de Gendarmerie Départementale de Haute-Savoie ainsi que quatre escadrons de Gendarmerie Mobile. Peu avant 03 heures, lieu-dit les Arculinges à Amancy, Gruffat frappe à la porte d'une maison. Là, il menace les habitants, exigeant les clés de leur Renault 5. Refusant de se soumettre, Gérard Dunand (39 ans) est exécuté d'un tir à bout portant tandis que son épouse Annie Dunand (34 ans) est gravement atteinte par un second tir. La scène macabre se déroule devant les enfants du couple. La mère de famille, hospitalisée à Lyon (69), succombera malheureusement à ses blessures.
Vers 03h45, Gruffat force un barrage de Gendarmerie sur l'autoroute A41 à Allonzier-la-Caille (74) puis abandonne non loin la R5 volée. La région survolée par deux hélicoptères et quadrillée au sol plusieurs centaines de gendarmes avec l'aide de la population locale, le tueur se cache dans un tuyau de drainage sous l'autoroute duquel il en sortira le jour même vers 15 heures, avouant son implication dans la tuerie devant deux témoins avant de se suicider dans la foulée par un tir dans la tête. Le 29 mai 1984, on découvre le cadavre de Jean-Marc Bieser (18 ans), identifié comme étant le meurtrier du Gendarme Bouvier. Celui-ci s'est suicidé le 17 mai, peu après s'être séparé de son coauteur. Les chiens engagés sur les recherches étaient passés près de son corps sans marquer l'endroit. Les deux criminels, déjà condamnés à plusieurs reprises, étaient en attente de jugement pour détention illégale d'armes et d'explosifs, lesquels avaient été saisis par les forces de l'ordre.
L'enquête (et notamment le témoignage d'une personne à qui ils avaient demandé de participer) permettra d'établir que l'objectif des auteurs était d'attirer une patrouille de Gendarmerie dans une embuscade, tuer les intervenants, prendre possession des uniformes et du matériel et ce afin de faciliter la commission de braquages. L'appel anonyme provenait d'eux. Ils avaient déjà tenté le coup à Faverges (74) la veille en téléphonant deux fois à la brigade de cette localité mais le planton n'avait pas déclenché d'intervention, les éléments fournis lors des appels lui apparaissant invraisemblables.
Né le 26 août 1958 à Belley (01), le Gendarme Bernard Bouvier affichait 1 an de services dans l'Armée de Terre et 2 ans de services dans la Gendarmerie. Sorti de l'ESOG de Montluçon (54ème promotion), il était affecté à la BT de La-Roche-sur-Foron depuis avril 1982. Titulaires de 3 lettres de félicitations, il reçoit la Médaille Militaire et la Médaille de la Gendarmerie (avec grenade de bronze) à titre posthume. À titre exceptionnel, il nommé au grade de Maréchal des Logis-Chef. Célibataire sans enfant, il avait 25 ans.
La 91ème promotion de sous-officiers de Gendarmerie de l'école de Montluçon (1985) porte le nom du MDC Bouvier. Une impasse de La-Roche-sur-Foron porte également son nom.
- Entretien en 2021 avec le Capitaine Daniel Lyan affecté à la BT de La-Roche-sur-Foron en 1984
- Entretien en 2021 avec l'Adjudant François Detraz affecté à la BR de Bonneville en 1984
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1984/05/19/la-panique-d-un-petit-malfrat_3010463_1819218.html
-https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1984/06/04/la-tuerie-de-la-roche-sur-foron-un-deuxieme-suicide_3025153_1819218.html
- Journal suisse Le Nouvelliste, n°117 en date du 19 mai 1984
- Journal suisse Le Nouvelliste, n°126 en date du 30 mai 1984
- Livre d'or de la Gendarmerie année 1984
- Journal suisse Le Nouvelliste, n°117 en date du 19 mai 1984
- Journal suisse Le Nouvelliste, n°126 en date du 30 mai 1984
- Livre d'or de la Gendarmerie année 1984
- Journal Sud-Ouest, en date du 18 mai 1984
Le gendarme BOUVIER était un être rayonnant: Passionné par son métier qu'il exerçait avec beaucoup de professionnalisme et de rigueur. Il était promis à une très belle carrière dans l'arme .Apprécié et estimé de tous pour sa camaraderie, son franc-parler, sa joie de vivre et son dynamisme il était devenu un ami au fil des mois.
RépondreSupprimerSes qualités humaines et professionnelles reconnues sans conteste par tout son entourage professionnel l'étaient également des élus et de la population.
Sa courte carrière exemplaire et ses qualités précitées font que les élèves gendarmes du 91ème stage ( 5/2 au 18/9/1985) de l'école de gendarmerie de Montluçon le choisissent comme Parrain de leur promotion.
Son souvenir est encore très présent parmi les anciens de la compagnie de Bonneville, les élus et les habitants de la Roche/Foron et alentours. La cérémonie militaire de commémoration des 30 ans de sa mort et celle des époux DUNAND le 16 mai 2014 à La Roche sur Foron organisée par le Groupement de La Haute Savoie et la Compagnie de Bonneville le démontre; Le déplacement important d'anciens de la compagnie de Bonneville présents au moment des faits, d'élus et de personnes civiles témoignent ce jour là d'une estime, d'une camaraderie et d'une reconnaissance sans faille à ce militaire aux qualités exceptionnelles.
(Vidéo youtube https://www.youtube.com/watch?v=Y9zRBSNo3r0)
Le 13/9/2021
Le Cne (E.R)LYAN Daniel.